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28 mai 2025
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Les quatre premiers mois de 2025 ont vu presque deux fois plus d’heures de prix négatifs sur le marché ‘day-ahead’ de l’électricité qu’en 2024. Et rien n’indique que cette tendance s’inversera à court terme, même si le phénomène reste relativement marginal (+/-5% du temps). En cause : la croissance continue ces dernières années de la capacité solaire installée en Belgique. Lors de journées printanières très ensoleillées, la production photovoltaïque peut atteindre jusqu’à 1,4 fois la consommation nationale à ce moment-là. Résultat : une suroffre d’électricité, difficile à exporter, qui entraîne des prix négatifs sur les marchés de gros (jusqu’à -462 €/MWh le 11 mai entre 13h et 14h). ). À cela s'ajoute la production éolienne et la production de base fournie par les centrales nucléaires. La CREG parle dans un récent rapport de ‘cannibalisation solaire’ (un phénomène constaté dans la plupart des pays européens, et de manière beaucoup plus extrême par exemple dans la péninsule ibérique).

Dans ce contexte, certains prosumers ayant choisi un contrat d’injection variable ou dynamique pourraient être amenés à... payer à certains moments pour injecter leur surplus de production d’électricité. Une situation inédite en Belgique, certes, mais pas illogique (déjà souvent d’application ailleurs, notamment aux Pays-Bas).

Le prix de l’électricité sur le marché de gros est loin d’être le seul coût supporté par les fournisseurs d’énergie. Un coût supplémentaire important est celui lié aux déséquilibres. Depuis de nombreuses années, les producteurs industriels (centrales classiques, parcs solaires à grande échelle, éolien) et les fournisseurs sont soumis à des tarifs de déséquilibre (le fournisseur doit toujours injecter le plus exactement possible, la quantité d’énergie que ses clients vont consommer à un instant T – il est responsabilisé pour cet équilibre et pénalisé en cas de déséquilibre). 

Le fournisseur d'énergie fait également face à un risque de volume important : le client consommera-t-il conformément aux attentes ? De même, la production d'énergie renouvelable sera-t-elle conforme aux prévisions ? Un soleil éclatant ou un peu moins ? Un peu plus de vent ou non?

Statistiquement, le prosumer belge moyen consomme seulement 30 % de l’énergie qu’il produit localement, et en injecte 70 % dans le réseau — souvent aux heures où les prix sont les plus bas, voire négatifs, ce qui survient généralement aux moments où la demande /la consommation est la plus faible, en particulier les weekends et jours fériés.

Cette injection massive, parfois imprévisible, crée des déséquilibres sur le réseau et dans le portefeuille des  fournisseurs, qui doivent contractuellement racheter cette énergie (donc également lorsque les prix sont négatifs sur les marchés). Si la consommation de leurs clients est faible, ils se retrouvent avec un excédent dans leur portefeuille. Et si le fournisseur est aussi producteur, il doit parfois réduire sa propre production (par exemple, arrêter ses éoliennes) pour éviter des pénalités supplémentaires. 

Mais cette évolution, aussi surprenante soit-elle, reflète une réalité structurelle : la montée en puissance de la production décentralisée et la nécessité d’une responsabilisation équitable de tous les acteurs du système énergétique.

Heureusement, des solutions existent. Le marché de la fourniture et de l’injection d’électricité est aujourd’hui concurrentiel : les fournisseurs proposent différents produits, et le client peut choisir celui qui correspond le mieux à son profil d’autoconsommation et à son appétence au risque — tarif d’injection fixe, variable ou dynamique. Il peut aussi partager son énergie localement.

Mais surtout, une des clés réside dans l’augmentation de l’autoconsommation. En consommant davantage sa propre production, le prosumer réduit sa dépendance au réseau et évite les effets indésirables des prix négatifs. Cela passe par :

  • Des outils de pilotage intelligents (EMS – Energy Management Systems - apps, plateformes, alertes) proposés par les fournisseurs ;
  • Des tarifs incitatifs : l’offre libre de tarifs qui incitent les prosommateurs à consommer ou injecter au moment le plus adéquat / profitable, donc des tarifs dynamiques sur la partie énergie de la facture et (prochainement) des tarifs ToU (par tranches horaires) pour la partie services de réseaux de la facture.
  • Le stockage (batteries domestiques ou stockage thermique) pour lisser la consommation ;
  • L’électrification des usages : véhicules électriques, pompes à chaleur, etc., qui permettent de consommer voire d’injecter l’énergie au bon moment.

Ce changement de paradigme est déjà en marche. En Flandre par exemple, près d’un tiers des ménages sont producteurs d’électricité. Précurseurs dans le solaire, ils le seront aussi dans la mobilité électrique et le chauffage durable. Avec ces charges déplaçables et flexibles, ils disposent du cocktail idéal pour maximiser leur autoconsommation.

En outre, plusieurs acteurs du marché investissent également massivement dans des capacités de stockage supplémentaires, notamment via de grands parcs de batteries, afin de capter l'excédent d'énergie et de maintenir l'équilibre du réseau. Cela prend du temps, notamment en raison de la problématique classique des longues procédures d'autorisation.

Marc Van den Bosch, general manager FEBEG : « Les fournisseurs souhaitent accompagner cette transition en mettant à disposition des outils, des services et des conseils adaptés. Car au-delà du bénéfice individuel, c’est tout le système qui y gagne : moins d’investissements dans les réseaux, plus de stabilité, et une transition énergétique plus fluide. »